Les Bovins

Ferme de polyculture-élevage en agriculture biodynamique

"Sacrifier"

« On est responsable pour toujours de ce qu’on a apprivoiser ». Cette phrase extraite du « Petit Prince » de Saint Exupéry résume l’état d’esprit qui devrait être celui de tout éleveur. Quand celui-ci fait venir un animal au monde, il engage de fait sa responsabilité au sujet de la fin de vie de cet animal.

Avec d’autres éleveurs du territoire, animés par ce même souci, nous travaillons depuis plusieurs années à la construction d’un outil d’abattage respectueux de l’animal. Nous espérons que cet outil sera opérationnel bientôt.

Sacrifier un animal, c’est d’abord faire preuve de respect à son égard et cultiver un sentiment de reconnaissance pour ce qu’il nous donne au cours de sa vie et pour ce don ultime.

« Sacrifier » n’est pas un vain mot car il renvoie au « sacré ».

Un texte de Kalhil Gibran exprime magnifiquement  ce que l’humain doit aux règnes naturels. C’est une prière qui nous accompagne lors de chaque voyage à l’abattoir:

Alors un vieil homme, tenancier d’une auberge, dit : « Parle-nous de la nourriture et de la boisson ».            Et il dit :

« Puissiez-vous vivre du parfum de la terre et, comme une plante terrestre, être nourri de lumière. Mais puisque vous devez tuer pour manger et dérober au nouveau-né le lait de sa mère pour étancher votre soif, faites-en un acte d’adoration. Et que votre table soit un autel sur lequel vous sacrifiez les purs et les innocents de la forêt et de la plaine au profit de ce qui est encore plus pur et plus innocent chez l’homme.

Lorsque vous tuez un animal, dites-lui dans votre cœur :

 « Le même pouvoir qui t’abat m’abattra aussi, et moi aussi, je serai consommé. Car la loi qui t’a livré à moi me livrera à une main plus puissante. Ton sang et mon sang ne sont que la sève qui nourrit l’arbre du ciel. » 

Et lorsque vous plantez vos dents dans une pomme, dites-lui dans votre cœur :

 « Tes semences vivront dans mon corps, Et les bourgeons de tes lendemains fleuriront dans mon cœur, Et ton parfum sera mon souffle, Et nous nous réjouirons ensemble à travers toutes les saisons. » 

Et à l’automne, lorsque vous récolterez les raisins de vos vignes pour le pressoir, dites dans votre cœur : « Moi aussi je suis une vigne et mon fruit sera cueilli pour le pressoir, Et comme le vin nouveau, je serai conservé dans des récipients éternels. » 

Et l’hiver, lorsque vous tirerez le vin, qu’il y ait dans votre cœur une chanson pour chaque coupe, 

Et qu’il y ait dans cette chanson, le souvenir des jours d’automne, des vignes et du pressoir. »

 Extrait de « Le prophète » de Khalil Gibran